Il est n� � Paris, le 11 janvier 1910 et a grandi dans le quartier juif de la rue des Rosiers. Puis avec son p�re, sa m�re et ses deux soeurs, Estelle et Ren�e, il partit en Palestine o� il passa sa jeunesse. Un enfant, Michel, naquit � sa soeur Ren�e, qui devait devenir un grand soldat dans la Brigade juive de l'Arm�e britannique et qui par la suite fit toutes les guerres d'Isra�l. Mon p�re fut chass� par les Anglais parce qu' en relation avec la Hagganah, il transportait des armes, et il dut retourner en France.
Mon p�re �tait un grand musicien, ing�nieur du son dans le cin�ma pour la Maison Path�. Il fut renvoy� � cause de sa "qualit� d'isra�lite" au moment des lois iniques de Vichy. Son nom, me dit-il, fut m�me effac� des g�n�riques des films.
Lorsqu'il fut d�mobilis�, priv� d'emploi, il put ouvrir un commerce � Toulouse avec la famille de ma m�re.Mes grands parents maternels �taient d'origine polonaise et leurs enfants, mes oncles et ma m�re �taient n�s aux Etats-Unis et France. Ils furent tous des combattants : militants de la LICA avant la guerre et r�sistants pendant la guerre. Joseph Cohen entra tr�s t�t dans la R�sistance : en 1941 il est membre du groupe "Le Parti de la R�publique et de la France", en 1942 il devient secr�taire de l'Organisation Juive de Combat sous les ordres du capitaine Pierrot (Pierre Loeb) puis membre de l'Arm�e Secr�te � Fleurance dans le Gers. Il accomplit plusieurs missions de parachutage et participa aux combats pour la Lib�ration de Mazamet.
Install� � Toulouse avec l'exode depuis 1940, il �tait devenu commer�ant et avait du renoncer � une belle carri�re artistique. En proc�s avec la Maison Path�, � la Lib�ration, il ne put continuer cette lutte, car ma m�re (ZAL) d�c�da tr�s jeune. Plus tard, il se remaria et un fr�re nous naquit.
Toute sa vie il se consacra au juda�sme : t�sorier et administrateur de la communaut�, il fut �galement parmi les fondateurs de la loge du Bn�i Brith de Toulouse, membre du conseil d'administration de la H�vra Kadicha et repr�sentant de l'Alliance Isra�lite.
Je re�ois aujourd'hui le souvenir de ses paroles comme l'expression de la bont� alli�e � la flamme du juda�sme et un amour in�puisable pour Isra�l.
C'�tait au soir de sa vie, il me dit : "tu trouveras dans la cave de notre maison, un livre que mon p�re avait �crit en h�breu, le titre est peut-�tre : Aimons nous les uns les autres..."
Je n'ai jamais connu mon grand-p�re qui est d�c�d� il y a tr�s longtemps en terre d'Isra�l appel�e alors Palestine. Je savais qu'il �tait venu de Russie, qu'il s'appelait Rapha�l Pogorelski et qu'il avait fui par les toits pour ne pas faire le service militaire. Il �tait all� en Turquie et en Palestine o� il avait connu et �pous� ma grand-m�re Berthe Ratzkovski venue l�-bas avec son p�re Berl Ratzkovski, mon lointain a�eul qui avait quitt� dans sa jeunesse la Lithuanie et qui, apr�s un long p�riple en Europe, s'�tait install� France o� il fut � Paris un bienfaiteur de la communaut� juive comme l'atteste son nom cit� dans des ouvrages anciens conserv�s � la Biblioth�que de l'Alliance Isra�lite Universelle. Apr�s le d�c�s de sa femme et lorsque ses sept filles furent mari�es et install�es, Berl Ratzkovski partit avec sa plus jeune fille. Il ne se rendit pas en terre d'Isra�l pour y mourir, mais bien au contraire il recontra un nouvel amour. Il se maria et eut encore un fils dont les descendants vivent aujourd'hui en Isra�l. Puis sa fille, Berthe Ratzkovski, rencontra Rapha�l Pogorelski ; et mes grands parents vinrent en France o� ils eurent trois enfants. C'est en France que mon grand p�re qui �tait "cohen" par lign�e familiale, choisit de porter ce nom et abandonna son nom russe. Je savais aussi ou je croyais savoir (imagination qui marqua ma jeunesse ardente et militante) que mon grand-p�re avait connu L�on Trotsky, et qu'un jour lors d'un voyage � Paris, l'illustre r�volutionnaire vint voir mon grand-p�re et tint mon p�re sur ses genoux.
Je ne connaissais pas mon grand-p�re, et la pens�e de chercher un livre �crit par lui m'attirait et m'inspirait alors que je commen�ais juste ma carri�re d'�crivain. Il y avait dans cette invitation beaucoup de douceur et comme de la mis�ricorde. Je savais que mon grand-p�re avait �t� un grand intellectuel, professeur d'h�breu et de math�matiques et qu'il avait enseign� dans des �coles de l'Alliance Isra�lite. Chercher son livre �tait un acte d'amour et d'ob�issance ainsi que l'acceptation de ma filiation.
Lorsque mon p�re (ZAL) nous quitta, je descendis � la cave et cherchai tr�s longtemps. Je n'ai pas trouv� le livre de mon grand-p�re, mais comme dans la fable, un autre tr�sor vint � mes mains : les archives de l'Organisation Juive de Combat. Je restai de longs jours et soir�es (peut-�tre deux ou trois mois) � classer des centaines de documents : r�cits d'actions arm�es des maquis juifs, archives du journal Renaissance, fichiers de combattants juifs, fichiers de personnes secourues pendant la guerre et � la Lib�ration, r�cipiss�s d'envois de colis � des personnes intern�es dans les camps du Sud de la France, r�cits de sauvetages, t�moignages, etc.
Depuis ce temps, je travaille sur cette histoire, ayant re�u commme h�ritage,une m�moire � transmettre, poursuivant par un d�tour �trange, l'appel qui me fut confi� au nom de mon grand-p�re : "Aimons-nous..."
Monique-Lise Cohen
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