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Histoire
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Juifs et r�sistance

JUIFS ET RESISTANCE

LES JUIFS EN EUROPE

�Ce peuple � qui le monde gr�co-romain avait reproch� d'�tre nationaliste dans une soci�t� cosmopolite et que le monde moderne accuse d'�tre cosmopolite dans une soci�t� nationaliste.�
Herbert Bentwich, The Future of the Land of Promise

Pour huit si�cles environ, et depuis l'an mille, l'Europe a �t� le principal centre de cr�ativit� juive. Comment raconter cette histoire qui fut li�e � tous les bouleversements de notre civilisation? Il est possible d'en faire le r�cit et l'analyse simplement du point de vue des pers�cutions. Les Juifs furent ainsi les victimes de l'antijuda�sme de l'Eglise aux temps du Moyen Age. Ils �taient rel�gu�s dans la marginalit� et la passivit� en l'attente de leur conversion finale. A l'�poque de la Renaissance, ils furent expuls�s ou condamn�s � se convertir par les �tats nations qui se constituaient. Beaucoup s'exil�rent vers le Nord ,l'Est ou le Sud de l'Europe ou encore vers la Turquie, l'Afrique du Nord et l'ancienne terre des H�breux o� ils fond�rent de hautes �coles de Cabale. La R�volution fran�aise permit leur int�gration dans la nation et assura leur existence civile et publique, selon la doctrine de l'�mancipation inspir�e par l'id�e d'une humanit� unifi�e et pacifi�e o� l'individu doit pouvoir s'affirmer. Par la suite les guerres napol�oniennes �tendirent � toute l'Europe les principes de l'�mancipation des Juifs. Ce fut la troisi�me g�n�ration �mancip�e qui fit en France et en Europe l'exp�rience douloureuse de l'antis�mitisme (diff�rent de l'antijuda�sme traditionnel de l'Eglise) et dont la propagation s'acheva dans la folie meurtri�re de la Seconde Guerre mondiale.

Entre 1880 et 1914, environ deux millions de Juifs quitt�rent les pays de l'Est de l'Europe pour le Nouveau Monde. Les Etats-Unis allaient ainsi devenir le premier pays pour l'installation des Juifs. La Premi�re Guerre mondiale et la R�volution bolchevique furent l'occasion d'un �clatement de la population juive mondiale. Beaucoup s'install�rent alors en Am�rique du Sud et dans la Palestine sous mandat britannique � la faveur de la D�claration Balfour. Avant la Deuxi�me Guerre mondiale, il y avait en Europe 9.534.880 Juifs sur une population de 379.554.000 personnes. En 1946, sur une population europ�enne de 540.282.000 personnes, on ne comptait plus que 3.642.100 Juifs. Pr�s de six millions de Juifs avaient �t� assassin�s pendant la guerre ; les plus grandes communaut�s d'Europe, Vienne, Berlin, Varsovie, Lodz avaient �t� d�vast�es ; plusieurs pays comme la Pologne, la Yougoslavie, la Tch�coslovaquie ou la Hollande avaient perdu toutes leurs communaut�s juives ; les grandes �coles talmudiques de l'Est de l'Europe avaient �t� d�truites ainsi que les centres de culture s�farade dans les Balkans.

Les Juifs furent longtemps consid�r�s comme les personnages passifs d'une histoire faite et �crite par d'autres. L'existence juive a cependant toujours accompagn� toute l'�volution et les transformations de l'Europe. Au Moyen Age, les Juifs furent un lien entre l'Orient et l'Occident ; � l'�poque de leur existence comme marranes, ils contribu�rent � l'�dification du monde moderne, et depuis l'�mancipation, ils s'illustr�rent dans tous les domaines de l'activit� humaine.

De quelle obscurit�, ce peuple dispers� parmi les nations du monde, tire-t-il la simplicit� de son existence malgr� les tentatives de conversion, d'annihilation dans l'universel et d'extermination? Si les Juifs ont su �r�sister� aux entreprises de conversion ou d'assimilation, la trag�die de la derni�re guerre r�v�le d'autres enjeux. Il n'�tait alors question que de p�rir ou de survivre. Le nazisme voulait imposer son r�gime totalitaire et f�roce � une Europe sans Juifs, et l'entr�e des Juifs en r�sistance fut pr�coce, importante et tr�s diversifi�e. La place des Juifs dans la R�sistance r�v�le-t-elle quelque chose d'in�dit dans l'�criture de l'histoire europ�enne? Consid�r�s jusque l� comme des objets passifs de l'histoire, ils apparurent comme capables d'agir et de ma�triser leur destin. Mais est-ce bien dans ces termes, ceux de l'action et de la passion, que l'histoire juive peut s'�crire? Quelles ont �t� les sp�cificit�s de la r�sistance des Juifs? Quelle m�moire avons nous de ce combat et quel en est aujourd'hui l'h�ritage dans la construction de l'Europe.

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LA MONTEE DE L'ANTISEMITISME

Que sont les "ann�es 30" ? Le fascisme s'installe en Italie et Mussolini emprisonne Gramsci ; Hitler est victorieux en Allemagne et le nazisme entreprend son oeuvre de mort ; enfin Staline a fini de d�cimer la vieille garde l�niniste et s'est d�barrass� de Trotsky, Zinoviev et Boukharine. Que s'est-il pass� ? Les analyses en termes de "crise" �conomique et sociale ne sont pas suffisantes pour exprimer cette r�alit�, car il faut bien voir que tout le syst�me lib�ral europ�en avec ses principes de moralit� et sa conception de la loi 'est effondr�. La culture lib�rale en Europe avait promu l'image d'un homme rationnel, ma�tre de la nature par la science et de lui-m�me par l'�thique. Cet homme de raison s'efface devant un individu plus inqui�tant, changeant, impr�visible et irrationnel. "La nature de notre �poque est la multiplicit� et l'irr�solution" avait dit le po�te autrichien Hugo von Hofmannstahl. La pens�e de la totalit� s'est fissur�e et les limites se dissolvent.

Une caract�ristique majeure de ces bouleversements est la mont�e d'un antis�mitisme � la fois populaire et d'Etat, d'une violence et d'une f�rocit� inou�es.

Hannah Arendt date l'apog�e de l'antis�mitisme au XIX�me si�cle de l'effondrement des Etats-Nations en Europe, et elle notait que vers la fin de ce si�cle, les premiers partis � nouer des relations internationales furent les partis antis�mites. Cet antis�mitisme populaire et international connut son ach�vement au XX�me si�cle avec le nazisme et le stalinisme. Si les "th�mes" de l'antis�mitisme avaient pour une certaine part �t� port�s dans le viel antijuda�sme de l'Eglise et les premi�res pouss�es des doctrines racistes et antis�mites au XIX�me si�cle, il faut cependant relever la diff�rence essentielle avec le nazisme. L'antijuda�sme chr�tien consid�rait l'existence juive comme sacr�e et faisant partie du projet divin. L'antis�mitisme racial n� dans la p�riode des Temps modernes et qui trouve son expression au XIX�me si�cle n'�tait pas encore port� par un mouvement de type populaire. L'antis�mitisme effroyable du XX�me si�cle voulut une Europe sans Juifs et consid�rait que son propre pouvoir �tait li� � cet an�antissement : rendre le peuple allemand complice d'un si grand crime que le Reich pourrait durer mille ans !

Comme si l'id�e d'une Europe sans Juifs s'identifiait � l'effondrement des valeurs morales et de l'id�e de la loi, comme si cet effondrement �tait aussi la condition de la divinisation du f�hrer; Ainsi l'antis�mitisme se coulait dans le forces des profondeurs, dans le refus de l'id�e de la loi et e la diff�rence entre Dieu et la cr�ation ! 'Est ce que le pape Pie XI avait si clairement condamn� en 1937, dans son Encyclique : Mit brennender Sorge.

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LA FRANCE

Entre 1930 et 1939, �crit V.Ermosilla, quantit� de publications antis�mites diffusent dans les mentalit�s les st�r�otypes les plus m�prisants � l'�gard de �la race juive� dont le mod�le en la mati�re reste La France juive de Drumont paru en 1886. Beaucoup d'intellectuels fran�ais, comme Bernanos, tiennent � se situer dans cette filiation. L'existence juive est consid�r�e comme un p�ril pour la patrie ou encore une �maladie� pour la nation. Les Juifs sont accus�s de fomenter un complot international contre toutes les nations du monde.

Mais c'est alors que na�t et se d�veloppe �galement un courant philos�mite et chr�tien autour du journaliste Oscar de Ferenzy et du philosophe Jacques Maritain. Le p�re Joseph Bonsirven, th�ologien j�suite, s'efforce de faire conna�tre le juda�sme et de favoriser face � l'imminence des p�rils, le rapprochement jud�o-chr�tien. Cette oeuvre avait d�j� �t� entreprise autour de la rencontre essentielle pour notre monde d'aujourd'hui, entre Aim� Palli�re, chr�tien �pris profond�ment du juda�sme, et le grand cabaliste de Libourne, Elie Benamozegh. Leur dialogue porta sur la n�cessaire actualit� d'une religion universelle appel�e dans les textes rabbiniques : religion nohachide ou religion des fils de No�, fond�e non plus sur l'id�e de la conversion des Juifs, mais sur le lien n�cessaire et vivant entre le juda�sme et les grandes religions du monde

Quelle �tait la situation des Juifs � cette �poque en France? En 1939, sur une population d'environ 320.000 personnes, 150.000 �taient des Juifs d'origine �trang�re. Ils �taient venus apr�s la Premi�re Guerre mondiale, chass�s par la mis�re , l'antis�mitisme et la mont�e du nazisme. Ils travaillaient dans l'habillement, l'ameublement ou l'artisanat et ne repr�sentaient que 5% des �trangers r�sidant alors en France. Minoritaire parmi les minorit�s, le Juif, �crit Ren�e Poznanski, devint cependant �l'�tranger fantasm�. Et pourtant remarque Annie Kriegel: � le processus de francisation des Juifs �trangers avec pleine adh�sion de leur part au type d'assimilation personnelle que leur permettait les Lumi�res � la fran�aise, �tait depuis pr�s de quatre vingts ans, continu et largement r�ussi�. Le juda�sme fran�ais fid�le aux principes de l'int�gration individuelle, refusait de se consid�rer comme une minorit�. Il ne formait pas une micro soci�t�, et A.Kriegel explique ainsi que les Allemands ne purent imposer de ghetto � la population juive de France et que la r�sistance des Juifs en France connut gr�ce � son int�gration dans la soci�t� civile, des sp�cificit�s remarquables : �habitu�s � se comporter en citoyens int�gr�s et assimil�s, les Juifs fran�ais comprirent que leur sort d�pendait non des seules d�cisions de l'Etat fran�ais, mais des attentes et r�actions de la soci�t� fran�aise�.

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LES PREMIERES REACTIONS DES JUIFS EN FRANCE

Roger Berg �crit que, d�s la crise de Munich en 1938, des immigr�s juifs propos�rent de se mettre au service de la France. Leur engagement fut proportionnellement le plus important parmi les trois millions d'immigr�s qui se trouvaient alors en France : �La guerre avait un double sens (pour les Juifs) : la d�fense du sol national fran�ais et de la libert� du monde et aussi la lutte contre la guerre faite par Hitler aux Juifs�. Albert Cohen (in The Jews in the War, Londres, 1943) dit qu'il y eut 40 000 engag�s volontaires juifs. La majorit� d'entre eux, allemands et autrichiens furent envoy�s � la L�gion �trang�re en Afrique du Nord. Selon une enqu�te de 1959 de l'Union des Engag�s volontaires et Anciens Combattants juifs que cite Roger Berg , les Juifs repr�sentaient plus de 50% des engag�s dans les camps d'entra�nement de Valbonne et Barcar�s , dans les r�giments �trangers d'infanterie et les r�giments de marche des volontaires �trangers. Cette enqu�te, explique R. Berg, permet de supposer que le nombre de volontaires juifs enr�l�s, combattants sur les divers fronts, en 1940 de Narvik au Liban, en Syrie ou en Afrique du Nord, et combattant en 1944-1945 sur les fronts d'Italie et d'Allemagne, d�passe largement les 20 000. Un nombre important de Juifs r�pondirent �galement � l'appel du g�n�ral Sirkorski et combattirent dans les rangs de l'arm�e polonaise en France.

Le lundi 4 septembre 1939, Adam Rayski confirmant le refus du �Pacte germano-sovi�tique� par la majorit� de la direction des communistes juifs, appelait les Juifs au combat, dans cet �ditorial de laNa�e Presse (Presse Nouvelle) : �Maudit soit � jamais le nom : Adolphe Hitler!...L'hitl�risme, qui a commenc� son existence et a cherch� sa justification dans la pers�cution et l'assassinat des Juifs, cherche actuellement son salut dans un meurtre de masse, � l'�chelle mondiale. Dans la mer de sang qu'il fera couler, il se noiera. Sous les ruines de ses destructions, il trouvera sa propre mort... Nous entrons dans la guerre aux c�t�s du peuple de France...�

Apr�s la d�faite de la Dr�le de guerre, la France a investi P�tain des pleins pouvoirs, le 10 juillet 1940. Alors que le pays est partag� en deux zones : une dite �libre� au Sud et une occup�e par les Allemands au Nord, le gouvernement de Vichy devan�ant les mesures allemandes, adopte le 3 octobre 1940, le premier statut des Juifs dont les crit�res sont alors plus draconiens que ceux �tablis par les Allemands en zone occup�e. En zone nord, les Allemands imposent un recensement des populations juives. Partout l'�tau se resserre sur les Juifs tant fran�ais qu'�trangers, qui dans leur grande majorit� esp�rent encore en une protection de plus en plus illusoire. En 1941 le carcan se referme encore plus : les Juifs de zone occup�e subissent arrestations et d�portations alors qu'en zone sud, le gouvernement rench�rit en �tablissant un second statut des Juifs (juin 1941).

Un grand nombre de Juifs de France n'ont pas attendu les premi�res mesures discriminatoires pour faire le choix de la r�sistance. Aussi se trouv�rent-ils assez nombreux aux c�t�s du G�n�ral de Gaulle � Londres d�s l'appel du 18 juin 1940. Ren� Cassin fut pr�sent aux premi�res heures, et il faut citer encore : Raymond Aron, Jacques Bingen, Pierre Dac , le G�n�ral Boris, Maurice Schumann Jean Pierre Bloch, Pierre Mend�s-France, Albert Cohen, etc. D'autres choisirent plusieurs formes d'action : r�sistance spirituelle et sauvetage pour les E.I.F. qui estimaient que restaurer le juda�sme en temps d'interdit �tait un acte de r�elle opposition ; organisation de l'entraide par le Centre Amelot � Paris, etc. Certains opt�rent pour la r�sistance arm�e: c'est le cas des Juifs communistes d�j� habitu�s � la clandestinit� au sein des groupes M.O.I. ou le l'Arm�e Juive (A.J.) qui na�t � Toulouse en octobre 1940 sous l'impulsion de Abraham Polonski et de Aaron-Lucien Lublin. Ren�e Poznanski cite la pr�sence des Juifs � Londres, leur place parmi les fondateurs du r�seau du Mus�e de l'Homme (publication pendant l'�t� 1940 du premier num�ro du journal R�sistance), la pr�sence de trois Juifs pour la cr�ation du mouvement Lib�ration en 1941 et la place de Robert Salomon parmi les fondateurs de D�fense de la France (dont le journal parut en 1941).

Que savaient les Juifs du sort qui les attendaient? Annie Kriegel explique que les Juifs en savaient tr�s rapidement assez pour que joue � plein l'instinct de survie. C'est ce qui explique l'importance des mouvements d'aide et de solidarit� conjuguant des moyens l�gaux et ill�gaux afin de prot�ger toute une population civile.

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L'OPINION ET LES JUIFS

L'antis�mitisme d'Etat favorise le d�veloppement d'une sorte de large "r�flexion" antis�mite dont l'objectif principal reste la manipulation des masses. Pr�senter des pamphlets ne suffit plus, il faut d�rouler une analyse "raisonn�e" du juif pour ancrer dans l'opinion un sentiment antis�mite passionn�. Pour ce faire, on utilise la presse, mais aussi le cin�ma (Le Juif S�ss ; Le P�ril juif). Allant plus loin encore les Allemands cr�ent en 1941 l'Institut d'�tudes des questions juives qui utilise l'affiche pour rendre le juif plus odieux, et qui propose une grande eition au Palais Berlitz � Paris : "Le Juif et la France". Si elle attire nombre de curieux, on constate cependant que l'antis�mitisme racial a peu de prise sur la population. Le contre-pied de cette propagande de haine appara�t dans les �crits de la r�sistance spirituelle contre l'Allemagne nazie et les lois iniques de Vichy. Ainsi les Cahiers du T�moignage chr�tien d�noncent vivement l'antis�mitisme rappelant qu'il est aussi anti-chr�tien.

Les protestants (800.000 en France) r�agissent tr�s t�t face au pers�cutions et certains rapports de pr�fets le soulignent avec vigueur. Mais il faut attendre 1941 pour enregistrer la premi�re manifestation officielle d'�motion sous la plume du pasteur Marc Boegner. Les aides dans l'ombre aux intern�s des camps et aux r�fugi�s juifs se multiplient pourtant. Au moment des rafles du Vel d'Hiv (juillet 1942) et des rafles d'ao�t 1942 en zone Sud, une structure (Amiti� Chr�tienne) existe d�j� pour intensifier ce secours. Ces rafles font l'effet d'un �lectrochoc, r�veillant les consciences, les alertant sur la nature r�elle du p�ril encouru. Elles ont aussi provoqu� une r�action indign�e de certains membres courageux de la hi�rarchie catholique. Du 23 ao�t au 20 septembre 1942, cinq �v�ques se r�crient publiquement : Monseigneur Sali�ge � Toulouse (le 23 ao�t), Monseigneur Th�as � Montauban (le 30 ao�t), Monseigneur Gerlier � Lyon, Monseigneur Delay � Marseille (le 6 septembre), Monseigneur Moussaron � Albi (le 20 septembre). Les appels au "respect de la personne humaine" ont �t� lus en chaire, malgr� les interdits pr�fectoraux et on eu un r�el impact sur l'opinion.

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EN EUROPE ET DANS LE MONDE

Dans une brochure Les Juifs face au nazisme, Henri Bulawko rappelle la Conf�rence d'Evian sur les r�fugi�s convoqu�e en 1938, � l'initiative du pr�sident Franklin Roosevelt o� il ne se trouva pratiquement pas un pays pour accorder de visas � ceux qui pouvaient encore s'arracher � l'�tau nazi.

La Grande-Bretagne refusa cat�goriquement de remettre en question sa politique du Livre Blanc sur la Palestine : 100 000 certificats d�livr�s difficilement alors qu'il aurait fallu � ce moment sauver des centaines de milliers de Juifs allemands, autrichiens, puis tch�coslovaques et polonais. Pendant la guerre, �crit H.Bulawko, alors que les mesures r�pressives et les massacres gagnaient en ampleur, les d�mocratie pratiqu�rent � l'�gard des Juifs le m�me politique de �non-intervention� qui avait pr�sid� � l'abandon de la R�publique espagnole puis de la Tch�coslovaquie.

Le d�l�gu� � Londres du Juda�sme polonais, Arthur Zygelbojm, se suicida pour protester contre l'indiff�rence des hommes d'�tat aupr�s desquels il �tait venu, en vain, demander de l'aide.

A Alger, apr�s le d�barquement (7 novembre 1942), le Haut-Commandement am�ricain se montra aussi ferm� aux projets de sauvetage que son gouvernement lors de l'odyss�e du �Saint-Louis�, le dernier paquebot � avoir pu quitter Hambourg avec des r�fugi�s juifs qu'aucun pays d'Am�rique du Sud, du Centre ou du Nord, ne voulut accueillir et qui revint en Europe.

Lord Moyne qui gouvernait la Palestine r�pondit aux d�l�gu�s de l'Agence Juive qui lui pr�sentaient la possibilit� de sauver un million de Juifs : �Que voulez-vous que je fasse d'un million de Juifs?�.

Les Juifs qui n'avaient ni Etat, ni arm�e, ni repr�sentants officiels furent abandonn�s. En 1936 le leader am�ricain Stephen Wise et le Dr Nahum Goldmann avaient cr�� le Congr�s Juif mondial, en vue de rassembler le juda�sme face � la menace hitl�rienne. Mais leurs moyens �taient d�risoires face au r�gime nazi que les Etats du monde n'avaient pas su affronter.

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DEPORTATIONS

�Sur l'horloge de l'histoire, les aiguilles avancent plus vite pour les Juifs que pour les autres peuples. Le temps des autres n'est pas pr�cis�ment le n�tre�.
Adam Rayski

Le 20 janvier 1942, lors de la Conf�rence de Wannsee, les nazis d�cr�tent la mise en oeuvre de la �solution finale�, c'est-�-dire l'extermination des Juifs. Dans la guerre g�n�rale, Hitler menait avec f�rocit� et rapidit� sa guerre contre les Juifs. D�j� dans toute l'Europe occup�e, les nazis avaient mis en place un arsenal r�pressif g�n�ralis� sur le mod�le des lois racistes de Nuremberg : exclusion, recensement, port distinctif de l'�toile jaune, regroupements ou ghettos et d�portations. D�s la fin de l'ann�e 1942, les 2/3 des Juifs polonais avaient �t� assassin�s. Ce projet meurtrier qu'aucun document administratif ne nommait clairement - il fallait que le crime entra�n�t la complicit� de tous dans le silence - s'est poursuivi pendant toute la guerre, drainant les millions de victimes vers les fosses d'ex�cution, les bagnes et les camps de la mort o� les chambres � gaz et les fours cr�matoires ne cess�rent pas de fonctionner pendant toutes ces ann�es. Le crime se perp�tuait dans le silence, dans une sorte de conjonction tacite entre la volont� centrale de Hitler et les coop�rations locales. Sa�l Friedlander cite des exemples o� des SS. qui, tout � fait par exception, n'avaient pas accompli leur travail de bourreaux, ne furent pas pour autant sanctionn�s. On peut d�duire a contrario que la machine d'an�antissement marchait bien � tous les niveaux

Quelle pouvait �tre l'attitude des Juifs devant la r�alit� de l'extermination? Car ce n'�tait pas des r�sistants arm�s qui �taient seuls menac�s, mais toute une population civile vou�e � l'an�antissement. Les Juifs avaient �t� abandonn�s par les Etats europ�ens en 1938 ; la Grande Bretagne avait �tabli un "Livre Blanc" qui limitait l'�migration en Palestine, les Etats-Unis d�livraient peu de visas. L'Europe comme une immense prison �tait boucl�e par la terreur nazie. La Suisse, Etat neutre, refoulait des milliers de r�fugi�s et une rare voie de sortie de l'Europe restait le passage par les Pyr�n�es et l'Espagne. Pour tous ceux qui �taient trop obscurs pour obtenir un visa ou �taient pris dans la nasse de la terreur � l'Est, que restait-il ? Soumission ou r�volte ?

Ren�e Poznanski parle des �couples conceptuels infernaux qui rendent compte de ces deux perspectives : r�sistance / collaboration dans un cas, r�sistance / passivit� dans l'autre cas�. Ces concepts fondateurs du discours occidental - action et passion - sont-ils vraiment op�rants pour d�crire cette r�alit�? L'id�e d'action est celle de la volont� du sujet libre, ma�tre de lui-m�me et autonome. Le mod�le politique qui l'accompagne est celui de l'insurrection. L'id�e de passion est donc le contraire, d�crivant un �tre qui a abdiqu� sa volont� et qui est devenu l'objet d'une manipulation par autrui. Et pourtant d'autres approches philosophiques nous invitent � reconsid�rer cette conceptualit� ; en particulier l'oeuvre magistrale pour notre temps d'Emmanuel L�vinas qui fonde l'�thique sur l'id�e de la responsabilit� pour autrui. Responsabilit� qui n'est pas celle du sujet libre et autonome, mais qui provient d'une passivit� - celle de l'�lection - ant�rieure � la volont� libre.

Nous pouvons nous demander comment �tre �actif� au sens insurrectionnel du terme quand toute une population civile est menac�e de mort ? Comment des b�b�s, des enfants, des femmes enceintes, des malades ou des vieillards peuvent-ils prendre les armes? Et encore comment des hommes et des femmes jeunes et valides capables de prendre les armes, pouvaient-ils en m�me temps abandonner leurs proches � une mort certaine? Et puis encore o� auraient-ils trouv� des armes ? O� les habitants d'un simple village juif dans la Pologne martyris�e auraient-ils trouv� des armes? Et quand bien m�me ils en auraient trouv�, la d�faite �taient assur�e et toute la population vou�e au massacre!

Un r�sistant non juif pouvait plus facilement rejoindre un groupe de partisans ou un maquis, mais un jeune juif, avant de faire la m�me d�marche devait s'assurer que sa femme, ses enfants, ses parents, sa communaut� pouvaient �tre cach�s, trouver � manger, b�n�ficier de faux papiers, etc. Le sauvetage restait de fa�on g�n�rale, l'urgence premi�re, m�me pour ceux qui avaient choisi la r�sistance �active�.

Les populations des pays occup�s ne furent pas souvent bienveillantes, mais souvent indiff�rentes voire hostiles aux Juifs. Il y eut quand m�me des gestes magnifiques de solidarit�, et la plupart des Juifs qui n'ont pas p�ri dans la tourmente l'ont souvent d� aussi � ces gestes de bont� et de fraternit� de ceux que l'on nomme �les justes des nations�. L'aide aux Juifs n�cessita parfois un tr�s grand courage, si l'on songe par exemple qu'en Pologne, le 10 novembre 1941, le gouverneur allemand du district de Varsovie avait fait savoir que tous ceux qui donneraient sciemment asile aux Juifs ou qui les aideraient, seraient passibles de mort. Une telle menace ne pesait pas sur toutes les populations d'Europe, et les risques encourus pour avoir aid� les Juifs, �taient divers et en g�n�ral bien moins graves qu'en Pologne. Et pourtant, il y eut aussi en Pologne, des gens qui secoururent des Juifs!

Le Rabbin R. Chekroun qui a dirig� un dossier sur la Shoah dans la revue Kountrass, �crit que les Juifs adopt�rent en fait trois sortes d'attitudes pendant l'Holocauste : soumission, r�sistance passive et r�volte.

Que permettait la soumission? Elle offrait � l'espoir que quelques uns �chapperaient au massacre (tous les responsables communautaires avaient conscience que le plus important �tait d'arriver � faire survivre de quoi reconstruire le peuple juif) ; la possibilit� de vivre le plus longtemps possible, ce qui est � la fois le sentiment le plus simple et le premier des commandements ; l'avantage de mourir dans une toute relative s�r�nit� et non au cours d'une action d�sesp�r�e (de nombreux t�moignages soulignent comment les parents calmaient doucement leurs enfants au bord des fosses d'ex�cution ; on pouvait �viter ainsi souffrances, peines et tortures inutiles) ; la possibilit� d'avoir une s�pulture, ce qui est tr�s important dans la tradition (les Allemands faisaient creuser leurs propres tombes aux victimes qu'ils allaient assassiner).

La r�volte pr�sentait �le terrible risque d'entra�ner la destruction totale du peuple juif, mais avait comme avantage : de ne pas donner sa vie � l'ennemi, ce qui est interdit puisqu'il y a commandement de conserver sa vie ; d'entra�ner avec soi des ennemis dans la tombe car la Torah veut que les meurtriers soient punis. La r�volte pr�sentait aussi l'avantage de mourir en combattant l'ennemi, et mieux valait encore perdre le combat, fut-il d�sesp�r�, que de mourir en victime passive. Ce que la tradition religieuse justifie dans certains cas�. Les Juifs adopt�rent en fait trois sortes d'attitudes : �la soumission : l'exemple le plus frappant est sans doute celui de ces Juifs qui acceptaient de creuser eux-m�mes leurs tombes : la r�sistance passive : telle celle du Rabbin Y.M. Kanal de Varsovie qui, en 1942, refusa de monter dans le train pour Treblinka ou celle des Juifs du ghetto de Lodz qui, � sa liquidation, ne prirent certes pas les armes, mais ne se rendirent pas nom plus au point de rassemblement fix� par les Allemands ; la r�sistance active, comme celle du ghetto de Varsovie�. Mais dans les trois cas, conclut le Rabbin Chekroun, �il nous para�t �vident qu'il y a un point commun : l'intelligence de l'action�.

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LE TEMPS DE LA CLANDESTINITE ET DE L'ACTION MILITAIRE EN FRANCE

Jusqu'en 1942 les groupes se structurent et d�finissent leurs objectifs :

- les E.I.F. (Eclaireurs isra�lites de France), sous couvert de l�galit�, intensifient leurs actions clandestines : faux papiers, fili�res de passage en zone sud ou vers l'Espagne et la suisse, planquage des Juifs �trangers plus menac�s, utilisation des fermes rurales (ex : Lautrec) comme refuges.

- l'A.J. (Arm�e Juive) d�ploya son activit� sur plusieurs fronts : les maquis ; les corps francs en ville; les passages vers l'Espagne pour rejoindre les Forces alli�es ; le sauvetage.

Le premier maquis de l'A.J. est install� le 15 novembre 1943 � Biques dans la montagne Noire (Tarn), puis il se d�pla�a vers Lacaune, � la Jasse de Martinou (mars 1944) et enfin vers Lespinassi�re (le 25 avril 1944). Evoluant avec une certaine autonomie jusqu'au 6 juin 1944, malgr� les liens qui le rattachaient � la r�sistance g�n�rale du Tarn, il dut int�grer le Corps Franc de la Montagne Noire d�s l'annonce du d�barquement. Dans le C.F.M.N. fort de 800 maquisards, il constitua le "peloton isra�lite" dont le commandement fut confi� au lieutenant Leblond de l'A.J. On le connaissait sous le nom de "maquis Bleu-Blanc" ou "peloton Trumpeldor".

Les E.I.F. choisirent aussi la route du maquis. Les chantiers ruraux �tablis jusqu'alors pouvaient �tre consid�r�s comme de v�ritables p�pini�res de r�sistance (notamment celui de Lautrec) ; ils furent dissous le 22 f�vrier 1943. Les E.I.F. d�cid�rent alors de cr�er un maquis dans le Tarn. Parce qu'ils avaient eu des contacts avec les Monts de Lacaune, ils cr��rent leur premier maquis � La Malqui�re en d�cembre 1943. Ils s'install�rent ensuite � La Roque (mars 1944) et � Lacado (avril 1944). Ce maquis juif n'�tait pas r�ellement autonome. Ses contacts avec la r�sistance locale aboutirent � une int�gration dans la compagnie juive rebaptis�e Compagnie Marc Haguenau, dans les Corps Francs de la Lib�ration du Tarn plac�s d�s juin 1944 sous l'autorit� de Pierre Dunoyer de Segonzac.

Ces deux maquis E.I.F. et A.J. particip�rent courageusement au combat de la lib�ration nationale. Ils se voulaient int�gr�s � la r�sistance g�n�rale, tout en mettant en valeur leur jud�id� (ex : couleurs bleu-blanc pour le maquis Trumpledor ; chants en yiddish pour le maquis Marc Haguenau).

Les corps francs dans les villes ont �t� organis�s par l'A.J. pour d�manteler les r�seaux de d�nonciateurs qui travaillaient pour la gestapo. On en trouvait dans toutes les grandes villes : Paris, Lyon, Grenoble, Marseille, Limoges, Chambon, Nice, Toulouse.

Quant au passage vers l'Espagne, il devait permettre aux jeunes de rejoindre les Forces Alli�es dans la Brigade juive de Palestine.

Les Juifs communistes, militants de la M.O.I. jou�rent un r�le important et particuli�rement � Toulouse : information sur la Shoah, sp�cialisation dans le "Travail Allemand", c'est-�-dire la propagande antinazie aupr�s de l'arm�e d'occupation. La "35�me Brigade FTP-MOI" fit de nombreux attentats � Toulouse. Leur chef Marcel Langer fut guillotin� le 23 juillet 1943. L'avocat g�n�ral, Lespinasse, qui avait requis la peine de mort contre lui, tomba le 10 octobre 1943 sous les coups de la 35�me Brigade Marcel Langer. La Brigade organisa de nouveaux attentats � Toulouse contre un tramway transportant des allemands, contre le cin�ma Les Vari�t�s o� malheureusement trois membres de la Brigade furent atteints par l'explosif. Tous les militants furent arr�t�s en avril 1944. Avaient-ils �t� abandonn�s ?

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LES RESEAUX DE SAUVETAGE

Alors que les rafles se multiplient et que la pers�cution s'�tend, le sauvetage des Juifs s'organise. Beaucoup de personnes juives et non juives y ont particip�, et les activit�s du Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire), dans les C�vennes protestantes, t�moignent de la force de l'opposition des chr�tiens � la barbarie vichyste et nazie.

Avec l'occupation totale du pays (automne 1942), l'�migration l�gale s'arr�ta d�finitivement et les Juifs cherch�rent � quitter le pays par des voies ill�gales vers la Suisse ou vers l'Espagne. La premi�re fili�re de la C.I.M.A.D.E. vers la Suisse fut mise au point fin 1942 par Genevi�ve Pittet, avec l'aide du pasteur Chapal d'Annecy et de l'Abb� Folliet, aum�nier de la J.O.C. Les filles de la C.I.M.A.D.E. fabriquaient elles-m�mes les faux papiers pour le d�placement.

Au mois d'ao�t 1942, des milliers de Juifs �trangers furent d�port�s des camps de la zone sud vers une "destination inconnue", et les enfants furent menac�s de la d�portation. Les organisations de sauvetage envisag�rent alors le placement clandestin des enfants. Georges Garel organisa un r�seau parall�le, et Ren�e Poznanski note que cela fut possible parce que "la soci�t� fran�aise et en particulier les milieux eccl�siastiques avaient offerts une alternative aux maisons d'enfants". A Venissieux, pr�s de 90 enfants furent sauv�s et dispers�s gr�ce � l'aide de l'Amiti� chr�tienne et la protection du cardinal Gerlier. Ren�e Poznanski cite par exemple un tract distribu� � l'�poque de ce sauvetage : "Vous n'aurez pas les enfants".

Des organisations juives prennent en main ce sauvetage qui devient un imp�ratif absolu et surtout pour prot�ger les enfants. De nombreuses organisations vont s'en charger : O.S.E. (Oeuvre de Secours aux Enfants), O.R.T. (Organisation Reconstruction Travail), E.I.F. (Eclaireurs Isra�lites de France). Ainsi les E.I.F. Essaient d'organiser des passages vers la Suisse d�s juin 42, de m�me que le M.J.S. (Mouvement de jeunesse Sioniste) et l'O.S.E. qui intensifient le mouvement d�s avril 43. Deux personnes prennent particuli�rement la responsabilit� de ces voyages : Emmanuel Racine et Georges Longer. Entre avril et octobre 1943, on compte 2 ou 3 passages � chaque fois. Certains ont tourn� au drame. Le 21 octobre 1943, un convoi dirig� par Roland Epstein et Mila Racine, membre du M.J.S., est arr�t� par une patrouille allemande. Les enfants et leurs accompagnateurs sont transf�r�s � Drancy et d�port�s.

Le 31 mai 1944, un autre convoi de 28 enfants men� par Marianne Cohn est intercept�. Marianne Cohn refuse de s'�vader lorsque son fr�re Emmanuel arrive � le lui proposer, car elle veut rester aupr�s des enfants pour les prot�ger. Les Allemands l'assassin�rent sauvagement, mais les enfants purent sortir gr�ce � l'habilet� et au d�vouement du maire d'Annemasse, M.Deffaugt.

Ce ne sont l� que deux exemples d'une activit� qui se d�veloppait d'autant plus vite, malgr� les dangers qu'elle repr�sentait, que la pression des Allemands se faisait plus p�rilleuse. Le sauvetage d'enfants passe donc, fin 1943, presque compl�tement dans la clandestinit�. Les homes d'enfants de l'O.S.E. se ferment un � un. L'O.S.E. qui avait agi dans le cadre de l'U.G.I.F. doit donc s'en s�parer, en avril 1944, apr�s plusieurs arrestations.

Ren�e Poznanski �crit : "Cette action qui a commenc� par la prise en charge des enfants juifs abandonn�s, s'est poursuivie par la lib�ration des camps d'internement et a abouti � leur sauvetage clandestin, a permis de sauver entre 7500 et 9000 enfants".

Les passages vers l'Espagne se multiplient aussi. A partir d'avril 1943, l'A.J. s'en occupe depuis Toulouse. Le but semble clair : permettre � des jeunes d'arriver en Palestine pour r�aliser leur id�al sioniste et rejoindre les Forces arm�es juives qui combattent l'Allemagne.

Les organisations comme les E.I.F., le M.J.S., la F�d�ration de l'O.S.E. et le Bund consid�rent donc que le r�le de la r�sistance juive doit d'abord �tre celui d'organiser le sauvetage. L'A.J. dont la finalit� premi�re est et reste la lutte arm�e, s'est aussi focalis�e sur le sauvetage. Combat et sauvetage sont compl�mentaires pour les Juifs : sauver les enfants, c'est r�sister � l'entreprise nazie qui tentait de faire dispara�tre compl�tement le peuple juif.

Le C.D.J.C. (Centre de Documentation Juive Contemporaine) a r��dit� sous ce titre L'Activit� des organisations juives en France sous l'Occupation, les comptes rendus d'activit� des principale organisations juives pendant les ann�es 1940-1944 : le Joint, le Consistoire Central, le Comit� d'Assistance aux r�fugi�s (C.A.R.), les Eclaireurs isra�lites de Fance (E.I.F.), la F�d�ration des Soci�t�s Juives de France, la H.I.C.EM, l'O.R.T., l'Oeuvre de Secours aux Enfants (O.S.E.), les organisations sionistes (Keren Kayemeth, Keren Hayessod, mouvement de jeunesses sionistes, Organisation Juive de Combat (O.J.C.), W.I.Z.O. (Organisation internationale des Femmes Sionistes), les Comit� "Rue Amelot", le Service d'Evacuation et de Regroupement (S.E.R.)... et m�me l'Union G�n�rale des Isra�lites de France (U.G.I.F.)

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REFLEXION SUR UNE TYPOLOGIE

Annie Kriegel �voque David Knout qui publia en 1947 le premier livre consacr� � la R�sistance juive : �Il �tablissait une typologie des formes de r�sistance en distinguant : la lutte arm�e, l'action sociale, le travail d'assistance, la propagande et la r�sistance morale�. Si les Alli�s et les mouvements de r�sistance visaient � la victoire contre l'Allemagne nazie, les Juifs �taient confront�s � un autre probl�me. Dans la guerre g�n�rale contre les nations du monde, Hitler menait sa guerre contre les Juifs. Et cette guerre-l� allait plus vite que l'autre. D'o� �la diff�rence de nature, �crit A.Kriegel, entre la r�sistance en g�n�ral, partie int�grante des forces arm�es engag�es dans la plus globale des guerres en cours et la r�sistance juive : la premi�re visait � la victoire, la seconde � la survie�. Pour ce qui est de la France, 300 000 personnes �taient menac�es de mort. Comment faire survivre et essayer de sauver toute une population civile ? Cela n�cessite �une combinaison complexe et changeante de recours l�gaux et ill�gaux, de statuts interm�diaires, ambigus... L'une des preuves les plus convaincantes de ce que la clandestinit� n'�tait pas une condition sine qua non, c'est qu'� la diff�rence de la R�sistance fran�aise classique, la R�sistance juive fut de bout en bout anim�e, non par des organisations ad hoc, cr��es pour les besoins du moment, mais par les organisations traditionnelles - consistoriales, scoutes, bundistes, communistes, philanthropiques - qui existaient de longue date ou qui �taient l'�manation d'organisations existant de longue date. La seule structure vraiment nouvelle, ce fut... l'U.G.I.F.�. Il n'est pas possible de comparer non plus ce que fut l'U.G.I.F. aux Judenr�te que les Allemands voulurent instituer dans les ghettos qu'ils avaient constitu�s notamment en Pologne, pour faire passer leurs d�cisions. L'U.G.I.F. servit aussi de couverture l�gale pour des organisations qui menaient des activit�s de r�sistance (service des faux papiers, etc.), et ainsi que l'atteste le journal de Raymond-Raoul Lambert qui dirigea cette institution, les directions de l'U.G.I.F. refus�rent de repr�senter la population juive aupr�s de Vichy et des autorit�s d'occupation, sauf dans le domaine de l'assistance.

Dans un �Appel pour la m�moire de la R�sistance des Juifs de France�, la Revue La lettre des r�sistants et d�port�s juifs (n�19, 1994) rappelle les noms des nombreux mouvements de r�sistance : Solidarit�, l'Union des femmes juives, l'Intersyndicale juive (C.G.T.) qui se sont regroup�es au printemps 1943, au sein de l'Union des Juifs pour la r�sistance et l'entraide (U.J.R.E.), le Comit� Amelot, les Eclaireurs isra�lites - Sixi�me et Maquis - , l'Arm�e juive (O.J.C.), l'Union de la jeunesse juive, les groupes de combat de l'U.J.R.E., les F.T.P.-M.O.I.-Deuxi�me D�tachement, la 35�me Brigade Marcel Langer, Carmagnole-Libert�, et la Milice patriotique juive. L'Appel se poursuit par cette r�flexion �sur le sens profond de la r�sistance juive en France, ses motivations patriotiques mais aussi celles qui furent essentiellement juives et qui lui permirent de jouer le r�le qu'on conna�t, par l'aide morale, politique et pratique apport�e � la collectivit� juive, afin d'�chapper, en passant dans la clandestinit�, aux d�portations, � la mort�. Lucien Lazare rappelle la d�finition que l'Arm�e Juive (A.J.) donnait de ses buts : �action de toutes formes contre les forces allemandes d'occupation ; sauvetage des Juifs d'Europe ; recrutement et acheminement de volontaires vers la Palestine ou les Forces Fran�aises Libres et autres arm�es alli�es ; combat contre notre seul ennemi : les Allemands�. Des Juifs combattirent �galement dans des formations g�n�rales communistes, socialistes ou gaullistes. Comment parler alors de cette grande diversit� des engagements ? Ren�e Poznanski nous invite � cette r�flexion : �Entendue comme la r�sistance des Juifs de France, elle (la r�sistance juive) est inscrite dans le pluralisme qui caract�rise l'identit� juive � l'�poque moderne et de ce fait, ne craint ni les contradictions internes, ni la confrontation avec la r�sistance g�n�rale, une confrontation qui peut nous en apprendre autant sur le juda�sme de France et sa condition � cette �poque que sur la soci�t� fran�aise dans son ensemble�. Il est un fait, comme l'explique Adam Rayski, que �l'impact des r�cits et �v�nements de Varsovie a trouv� un �cho dans la r�sistance juive et a sans doute acc�l�r� le processus d'unit� des organisations juives qui aboutit en juin 1943 � la Constitution du Comit� G�n�ral de D�fense, puis au d�but de l'ann�e 1944, � la fondation du C.R.I.F.qui rapprocha pour la premi�re fois en France, Juifs immigr�s et Isra�lites fran�ais�

Mais cette exp�rience de la diversit� �qui ne craint pas les contradictions internes� et de l'unit� qui se constitue ou se renouvelle dans des situations in�dites et � travers les bouleversement de l'histoire mondiale, n'est-elle pas proprement l'exp�rience juive � travers les si�cles ? L'existence juive s'est poursuivie dans le monde malgr� les tentatives de dissolution dans l'universel, malgr� les exils, malgr� les tentatives d'an�antissement moral ou physique. Particularisme qui ne se r�duit pas � l'opacit� d'une identit� ferm�e sur elle-m�me puisque les Juifs viennent d'horizons du monde diff�rents ; exp�riences multiples venues des �changes et confrontations avec les peuples du monde mais qui ne se laissent pas absorber dans le brassage des civilisations. La multiplicit� de l'engagement des Juifs dans la r�sistance n'est-elle pas r�v�latrice de la diversit� et de l'unit� du peuple juif � travers l'histoire ?

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LE TEMPS DE LA CLANDESTINITE ET DE L'ACTION MILITAIRE EN EUROPE

�Une m�me pens�e orientait partout l'activit� des organisations clandestines juives et des combattants juifs : la conviction qu'ils ne luttaient pas pour leur seule existence, mais pour l'honneur et l'avenir de la nation juive, pour l'annihilation de l'hitl�risme et pour la libert� de l'Europe et du monde.�
Ber Mark

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D'un pays � l'autre de l'Europe, H.Bulawko propose, � partir du catalogue de l'eition permanente pr�sent�e par le Centre de Documentation Juive Contemporaine de Paris, une �vocation de la participation des Juifs � la R�sistance :

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ALLEMAGNE
Herbert Baum, jeune communiste, cr�e un groupe de r�sistance juive en 1940, regroupant des militants communistes, socialistes et sionistes. En mai 1942, incendie d'une eition de propagande nazie � Berlin. Le groupe est d�mantel� et il n'y eut que deux survivants.

Le groupe du camp de Sachsenhausen affronta les SS., le 22 octobre 1942 sur la place d'appel.

Le r�seau de Werner Scharff, jeune juif berlinois qui s'�vada du camp de Th�resienstadt, et cr�a un r�seau de r�sistance regroupant juifs et non juifs. Il s'attacha � assurer le sauvetage des Juifs cach�s en Allemagne. Le groupe fut d�mantel� et les militants mis � mort.

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BELGIQUE
Un �Comit� de D�fense des Juifs� fut cr��, qui travailla avec la r�sistance belge. Les militants sionistes, communistes, bundistes, jou�rent un r�le marquant. Le �Mouvement national belge� comptait une brigade juive, ainsi que les �Partisans arm�s�.

La nuit du soul�vement du ghetto de Varsovie, un groupe de partisans juifs fit stopper un train de d�port�s parti en direction d'Auschwitz.

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BULGARIE
Il faut particuli�rement noter l'aide de la population et des autorit�s de ce pays qui r�ussirent � enrayer les d�portations.

Parmi les noms cit�s : Violetta Yacova combattante dans une groupe charg� de ch�tier les tra�tre ; Menahem Papo, responsable communiste juif, qui fit sauter les installations militaires � Rouss�, sur le Danube.

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GRECE
Participation des Juifs � des formations de partisans sp�cialis�s dans des op�rations de sabotage.

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HONGRIE
Lors des d�portations massives (450 000 Juifs hongrois p�rirent dans les camps de la mort), d'importantes entreprises de sauvetage eurent lieu. Il faut citer le nom d'Hanna Senesz, po�tesse de la terre d'Isra�l, qui fut parachut�e en Hongrie pour organiser le sauvetage. Elle fut arr�t�e et fusill�e. Raoul Wallenberg, consul adjoint de Su�de, sut arracher des milliers de Juifs aux griffes des nazis. Apr�s la guerre, convoqu� par les autorit�s sovi�tiques, il disparut. Malgr� des campagnes internationales pour le retrouver et le sauver, on ne sut pas ce qu'il advint de lui. Quelques t�moignages de rescap�s du goulag ont �voqu� son nom et sa pr�sence dans les prisons sovi�tiques.

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ITALIE
Le professeur Eug�nio Colorni fut � la t�te du Comit� militaire du Parti Socialiste italien. Eug�nio Curiel, jeune agr�g� organisa le Front de la Jeunesse. Mario Jacchia dirigea l'Etat-major des Partisans en Emilie.

Au printemps 1944, le Commandant-partisan Vito Volterra attaque le camp de concentration de Servigliano et d�livre les d�tenus juifs et non juifs. Enzo Sereni est parachut� depuis Isra�l. Arr�t�, il fut d�port� � Dachau. Franco Cesena, le plus jeune des partisans, tomba � l'�ge de 13 ans.

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DANEMARK ET NORVEGE
La R�sistance danoise organisa le sauvetage de la plupart des Juifs du pays menac�s par la d�portations. Des bateaux de p�cheurs les achemin�rent vers la Su�de. Ceux qui purent gagner la Grande-Bretagne rejoignirent les arm�es alli�es.

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PAYS-BAS
Le 25 f�vrier 1941, il y eut une gr�ve g�n�rale dans le pays : premi�re et unique action massive et populaire organis�e en Europe occup�e en faveur des Juifs.

Des Juifs hollandais cr��rent des groupes de sauvetage et particip�rent aux combats de la R�sistance. Certains rejoignirent l'Organisation juive de combat (O.J.C.) en France dont il form�rent le �groupe hollandais�.

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POLOGNE
La Pologne que les nazis voulurent rayer de la carte du monde, fut le lieu des camps d'extermination : Birkenau-Auschwitz, Tr�blinka, Ma�danek, Sobibor, Chelmno, etc. C'est aussi sur cette terre que les Allemands fabriqu�rent des ghettos dont le plus grand, celui de Varsovie, est entr� dans l'histoire comme symbole de la R�sistance juive.

Le Ghetto de Varsovie compta, � un moment, plus de 500 000 Juifs. Au d�but de l'ann�e 1943, il ne restait plus apr�s les d�portations, que 50 000 personnes. L'Organisation juive de combat, regroupant des d�tachements sionistes, bundistes et communistes pr�para le soul�vement. La r�volte �clata le 19 avril 1943 et opposa durant plusieurs semaines les r�sistants � 2000 soldats allemands et auxiliaires. Le g�n�ral SS. Stroop dut employer des tanks, de l'artillerie, des lance-flammes, pour d�truire le ghetto, maison apr�s maison, bunker apr�s bunker. Les rares survivants poursuivirent le combat dans les for�ts. Le jeune commandant de l'O.J.C., Mordekha� Anielewicz, se donna la mort, le 8 mai 1943, pour ne pas tomber dans les griffes des nazis. Parmi les noms rest�s c�l�bres, il y a le p�dagogue Janusz Korczak, l'historien Emmanuel Ringelblum,...

Il y eut d'autres r�voltes � Vilna, Bialystock, Lachva et aussi dans les camps, � Treblinka, Sobidor, Auschwitz,... Au d�but du mois d'octobre 1944, eut lieu la r�volte du Sonderkommando du camp d'Auschwitz. Ces hommes �taient charg�s de br�ler les corps des victimes des chambres � gaz. R�guli�rement, ils �taient aussi extermin�s afin qu'aucun t�moignage ne subsiste de cette oeuvre de mort. Notons le r�cit fait par un rescap� du Sonderkommando transf�r� au camp de Buchenwald et rapport� par Georges Semprun, dans son livre L'�criture ou la vie.

Le soul�vement eut lieu le 7 octobre 1944, les r�volt�s incendi�rent un cr�matoire et attaqu�rent les SS. La r�volte fut terriblement r�prim�e.

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TCHECOSLOVAQUIE
Dans le camp-ghetto de Theresienstadt, une organisation de r�sistance vit le jour.
Un comit� de sauvetage organisa les quelques rares �vasions des camps de Pologne. Au printemps 1944, des jeunes Tch�coslovaques (S.Lederer, A.Wetzler et W.Rosenberg) parvinrent miraculeusement � s'�chapper d'Auschwitz et s'employ�rent � transmettre des informations aux Alli�s. on sait que des informations parvinrent � Londres et Washington. Des documents photographiques ont �t� trouv�s par la suite au Pentagone. Mais il n'y eut pas de r�action des Alli�s.

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URSS
Les autorit�s avaient rendu possible la cr�ation d'un Comit� Juif Antifasciste anim� notamment par le metteur en sc�ne et artiste Chlomo Mikho�ls, l'�crivain Ilya Ehrenbourg, les �crivains et po�tes yiddish : Itzik Fefer, Peretz Markich, Leib Kvitko, David Bergelson, Der Nister, David Hofstein, etc. Des d�l�gations furent envoy�es � l'�tranger, notamment en Palestine pour stimuler l'effort de guerre.

La participation des Juifs aux formations de partisans fut particuli�rement importante en Bi�lorussie, Lituanie et en Ukraine.

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YOUGOSLAVIE
Deux organisations sionistes jou�rent un r�le pr�pond�rant : les �Hachomer Hatza�r� de Belgrade et l'association culturelle �Matadja� de Sarajevo.

Beaucoup combattirent dans des formations communistes : Moshe Pijade �tait le bras droit de Tito.

Il faut citer enfin le r�le de grandes organisations juives : le Congr�s Juif Mondial dont les repr�sentants travaillaient � Gen�ve, Stockholm et Lisbonne ; l'Agence Juive install�e particuli�rement en Turquie ; la H.I.A.S. (Oeuvre d'Assistance aux Emigrants; le JOINT (American Joint Committee : oeuvre am�ricaine d'assistance travaillant un peu partout dans le monde) ; l'O.R.T., etc.

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SAUVER LA MEMOIRE : ECRIRE POUR INVENTER LE FUTUR

La po�sie comme t�moignage
�Les mots ne sont peut-�tre pas � la mesure de la chose�, �crit Rachel Ertel dans un admirable livre, Dans la langue de personne : po�sie yiddish de l'an�antissement, car �devant la folie de l'histoire, devant l'an�antissement, devant l'opacit� de cet �v�nement, la raison se trouve d�sarm�e, impuissante. La po�sie devient l'unique mode sur lequel puisse se dire l'inconnaissable�.

�Quelle est l'oreille qui entend encore ce que les l�vres n'�noncent pas?�
(Leizer A�chenrand)

Dans les camps, dans les ghettos en flammes, dans les attentes terrifiantes, ils �crivaient en yiddish : �mon silence sera celui de cette langue, du yiddish : je nomme ainsi ma langue silencieuse... une voix de silence qui ne cesse de parler en moi... Le silence c'est la langue des morts entr�e en moi�
(G.Wajcman)

� Tout le jour j'ai cherch� une r�ponse dans la terre galeuse, dans le ciel de cendres. J'ai cherch� la r�sonance entre chambre � gaz et Dieu.(... ) Je me vis soudain au milieu de la manufacture de Dieu (...) Et en moi r�sonna une voix et elle dit : dans cette matrice se trouve ton peuple disparu du jour d'en bas et de la nuit terrestre- Tout ton peuple est en Dieu�.
(Aaron Zeitlin)

Po�sie issue de l'extermination, qui parcourt sans tr�ve �ce chemin r�serv� � des fugitifs de fum�e�. Parole de v�rit� et condition du t�moignage. Seule la po�sie pouvait ici �t�moigner de l'indicible�. Semences de paroles jet�es vers des �cieux vides et nus, cieux comme des d�serts�
(Itzhok Katzenelson).

Et nous aujourd'hui qui sommes nous, qui recevons les paroles lanc�es en ces temps l� vers des cieux muets? Nous, comme la matrice o� grandit cette semence...

Toutes les plaies que les becs de feu de la fureur humaine ass�nent au jour jamais ne cicatriseront. Personne n'a encore entendu ce que la fum�e de corps br�l�s dit ; M�me le dernier cri du p�re qui est mont� dans les rues de la folie personne n'a encore entendu. L'entends-tu ?
Le�zer Aichenrand Dos bro�t fun tzar (Le pain de douleur)

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Dans les ghettos, raconte R.Ertel, � Vilno, Bialystock, � Lodz, �on collecte, on cache des documents existants, on cherche des t�moignages. Dans le ghetto de Varsovie, Emmanuel Ringelblum cr�e un groupe de travail clandestin, un v�ritable centre d'archives sous le nom de Oneg Shabbat (d�lice du Shabbat) : tout le monde �crivait, journalistes et �crivains,... instituteurs, travailleurs sociaux, jeunes et enfants,... Lors de l'extermination des Juifs de Varsovie presque tous les documents furent d�truits. Seul le contenu des archives de l'Oneg Shabbat a �t� pr�serv�.�

Qu'est-ce que la vie attend de nous?
Viktor Frankl, illustre psychiatre viennois d�port� � Auschwitz, �crivit apr�s sa lib�ration : �Nous devons apprendre, et enseigner aux �tres d�sesp�r�s qu'il ne s'agit nullement, au grand jamais, de ce que nous avons encore � attendre de la vie, mais qu'il s'agit uniquement de bien autre chose, de ce que la vie a encore � attendre de nous... on pourrait dire qu'il y a ici, � op�rer un revirement, comme au temps de Copernic : nous n'avons plus � nous demander simplement quel est le sens de la vie ; nous devons sentir que c'est � nous-m�mes que s'adresse cette question ; nous devons vivre comme questionn�s par la vie, tous les jours, � toutes les heures - et nous devons r�pondre... par des actes et un comportement appropri�s�, et �Lorsque le destin, concret, impose une souffrance � l'homme, et parce qu'il l'impose, celui-ci devrait voir, dans cette souffrance, une t�che absolument unique... Mais dans la mani�re dont lui-m�me, frapp� par ce destin, porte cette souffrance, r�side pour lui une possibilit� d'accomplissement unique�. Dans ce livre bouleversant, Un psychiatre d�port� t�moigne, V.Frankl �crit encore que ce sont des paroles de Spinoza : �Voir les choses sous un aspect d'�ternit� qui l'ont secouru : �alors tout ce qui me tourmente et m'obs�de tellement se trouve objectiv�, tout cela est vu et d�crit depuis une plate-forme int�rieure plus �lev�e�.

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Le Centre de Documentation juive contemporaine de Paris (C.D.J.C.)

C'est en 1943, en pleine clandestinit� due � l'occupation, que I.Schneersohn a pris l'initiative de r�unir � Grenoble, le 28 avril 1943, pr�s de 40 repr�sentants de diverses organisations juives qui ont d�cid� la fondation d'un Centre de documentation et ont d�sign� le premier �Comit� de direction compos� de sept personnes : deux repr�sentants du Consistoire, deux de la F�d�ration des Soci�t�s juives de France, un de l'O.R.T., un du Rabbinat et I.Schneersohn, Pr�sident. I.Schneersohn avait mis de longs mois pour convaincre de la n�cessit� de ce Centre. Le d�bat qui traversait alors la communaut�, �tait celui-ci : quand on est tellement fragile et menac�, faut-il employer aussi nos forces � sauver des papiers? Comme dans les ghettos de Pologne, le Centre fut cr�� dans la pens�e de transmettre le t�moignage aux g�n�rations � venir. En liaison clandestine avec les organisations juives et celles de la r�sistance fran�aise g�n�rale, ce Comit� a pu se procurer et conserver de nombreux documents concernant la situation des Juifs en France sous Vichy et sous le joug nazi, et cela malgr� la disparition en d�portation de plusieurs de ses membres et collaborateurs. C'est ainsi qu'� la lib�ration de la France, il existait d�j� une �quipe tr�s active et r�solue � conserver le maximum des mat�riaux se rapportant au drame v�cu par les Juifs d'Europe � l'�poque du nazisme. Ces documents furent produits lors des proc�s des criminels nazis � Nuremberg, apr�s la guerre. Aujourd'hui le Centre de Documentation juive contemporaine qui abrite le M�morial du Martyr Juif Inconnu, est un haut lieu de la recherche internationale.

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LES JUIFS DANS LES ARMEES DE LIBERATION

Il y eut des Juifs dans les F.F.L. � Londres, dans les troupes qui men�rent le combat � la suite du d�barquement en Alg�rie et bien s�r dans les maquis. Roger Berg raconte la reconstitution des troupes fran�aises � Londres sous les ordres du G�n�ral de Gaulle : �quel accueil le commandant supr�me de la force fran�aise r�servait-il aux volontaires juifs? Andr� Weil-Curiel affirme qu'il aurait dit : J'attendais la France des cath�drales, et c'est la France des synagogues qui arrive!�.

Lorsque les Juifs voulurent s'engager dans les forces combattantes en Alg�rie, ils ne le purent pas tout d'abord, parce que le d�cret Cr�mieux (qui leur accordait la nationalit� fran�aise depuis la fin du XIX� si�cle) abrog� par Vichy, n'avait pas �t� restaur� par les Forces fran�aises. Il fallut attendre l'arriv�e de Ch.de Gaulle pour que, quelques temps plus tard, le d�cret soit r�tabli et que les Juifs puissent s'engager dans les forces arm�es.

Dans les rangs de la Premi�re Division fran�aise, �crit R.Berg, de nombreux Juifs particip�rent en Tunisie, Italie, France et Allemagne aux combats de la Lib�ration. Il cite �galement la Treizi�me Demi-brigade de la L�gion �trang�re des volontaires �trangers form�s � Barcar�s qui s'illustra � Narvik, en Afrique et � Bir-Hakeim sous les ordres de Pierre Koenig. Beaucoup de travailleurs intern�s dans les camps de travail en A.F.N. s'�vad�rent et rejoignirent �les F.F.L. qui en 1945, termin�rent leur avance au �nid d'aigle� de Hitler, � Berchtesgaden�.

L'enqu�te de l'Union des Engag�s volontaires et Anciens Combattants juifs (1959) �value � plus de 20 000 le nombre d'enr�l�s juifs sur divers fronts entre 1939 et 1945.

Henri Bulawko �crit que l'on peut estimer � 1 500 000 personnes le nombre de soldats juifs enr�l�s dans les arm�es alli�es � l'ouest et � l'est et des r�sistants, partisans et maquisards participant au combat contre le nazisme.

Si l'on songe que les archives des pays de l'Est viennent de s'ouvrir � la recherche, une nouvelle page de l'histoire de l'Europe reste � �crire.

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LES JUIFS ET L'IDEE EUROPEENNE

Itzhac Schipper qui mourut � Ma�danek, avait dit en 1943, � A.Donat : �Tout d�pend de ceux qui transmettront notre testament aux g�n�rations � venir, de ceux qui �criront l'histoire de cette �poque. L'histoire est �crite en g�n�ral par les vainqueurs... Mais si c'est nous qui �crivons l'histoire de cette p�riode de larmes et de sang... qui nous croira?�. Comment �crire l'histoire? Lors d'un r�cent colloque international organis� par le Centre de Documentation Juive Contemporaine de Paris et rassemblant les plus grands Centres d'Archives d'Europe, d'Isra�l et des Etats-Unis sur l'histoire de la Shoah, l'historien Saul Friedlander a ouvert la perspective, � partir de ces �v�nements contemporains, d'une nouvelle approche dans la recherche historique. L'histoire, disait-il, a toujours �t� �crite du point de vue des ex�cuteurs ; l'histoire de la Shoah nous engage � une autre approche, l'�criture et la recherche de chaque nom, le r�cit de chaque destin�e individuelle. Si l'on songe que les archives des Pays de l'Est viennent de s'ouvrir, c'est un champ immense qui s'offre aujourd'hui � la recherche internationale. Le C.D.J.C. a mis en oeuvre un Guide international des archives sur la Shoah. S'agit-il d'une inversion de l'�criture de l'histoire? Avant on aurait �crit l'histoire du point de vue des ex�cuteurs, c'est-�-dire en privil�giant la dimension de l'action, et maintenant on l'�crirait du point de vue des victimes, en privil�giant la passion ? L'�criture de cette histoire pr�cise nous engage peut-�tre � une r�flexion sur l'Europe qui d�passe l'alternative conceptuelle de l'action et de la passion.

Qu'est-ce que l'Europe? La r�sistance � la barbarie nazie et � l'oppression que cet �tat totalitaire exer�a sur les peuples et sur une Europe qu'il voulait sans Juifs, se concr�tise autour de valeurs ayant accompagn� toute l'�volution historique et spirituelle de l'Europe. Si l'engagement patriotique fut fondamental, c'est aussi dans le monde de la r�sistance que l'id�e f�d�raliste europ�enne et l'espoir d'une Europe d�livr�e des guerres s'est d�velopp�e, et ce sont d'anciens r�sistants qui, comme Hubert Halin, ont fond� en 1955, l'Union des R�sistants pour une Europe Unie (U.R.P.E.). L'id�e d'une Europe f�d�r�e et unie s'est concr�tis�e dans des r�alit�s �conomiques, sociales et politiques, mais comporte aussi une dimension spirituelle importante.

Que fut cet �esprit de r�sistance�? L'Europe n'est pas le simple fait du d�ploiement des forces mat�rielles, ni du d�terminisme des choses. L'Europe est aussi spirituelles. Elle r�side dans l'ouverture de l'esprit cr�ateur d'avenir qui prend sa source dans la litt�rature, la philosophie et aussi la religion. L'h�ritage spirituel de l'Europe provient de ce que les philosophes grecs d�finissaient comme �souci de l'�me�. Le philosophe tch�que Yan Patocka, auteur de la Charte des 77, �crit que le souci de l'�me lib�re un savoir sur la totalit� du monde et de la vie, savoir qui est le fondement de l'h�ritage europ�en c'est-�-dire un non acquiescement au d�clin. Il dit encore dans ses s�minaires clandestins sur Platon et l'Europe : �L'homme en certaines circonstances est � m�me de faire du monde humain, un monde de v�rit� et de justice�. C'est aussi ce qu'�crivait en 1935-1936 et juste avant d'�tre chass� par les nazis, � cause de ses origines juives, le philosophe Edmund Husserl, en pr�ambule � son oeuvre La crise des sciences europ�ennes et la ph�nom�nologie transcendantale: "C'est elle, la raison, qui donne sens de fa�on ultime � tout ce qui pr�tend �tre... Que l'homme perde cette foi,... il perd la foi en lui-m�me... L'humanit� europ�enne porte en soi une id�e absolue".

L'inspiration des nations europ�ennes est �galement celle des religions du livre dont la source se trouve dans la Bible, et qui pr�sentent l'Alliance entre l'homme et Dieu - le Tout Autre - comme le fond des relations humaines et intercommunautaires. Car l'autre homme �chappe � toute prise identificatoire, et par l'infinit� de son retrait, il manifeste le divin. La rencontre de l'�tranger, de l'autre, celui qu'Emmanuel L�vinas nomme �le r�veur d'avenir�, est ainsi chaque fois la naissance d'un monde nouveau.

La multiplicit� des mouvements de r�sistance au nazisme, leur diversit� de pens�e et d'action, leur refus unanime de la �b�te immonde� et de l'image statufi�e et monolithique du f�hrer qui se prenait pour un dieu, t�moignent de la vocation de l'Europe : pouvoir cr�ateur de l'esprit et ouverture � l'autre.

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Th�ses, ma�trises :
Catalogue des ma�trises et th�ses r�dig�es sous la dir. du C.I.R.E.J. Toulouse, Universit� du Mirail.

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