Des éclats de lumière dans les perforations de l'homme

Réflexion sur la formation de l'Adam

(peintures et sculptures d'Oded Shamir)

 

La peinture d'Oded Shamir se laisse découvrir comme un décentrement de la lumière. Il y faut le temps et aussi la rencontre d'oeuvres récentes et anciennes. Ses sculptures apportent une clé pour la compréhension.

 

Les oeuvres les plus anciennes qu'il nous présente, les scènes de pauvreté aux Indes et d'autres oeuvres où apparaissent des visages, sont difficilement lisibles ou visibles, comme si le regard des personnes était effacé ou encore s'effaçait au fur et à mesure que nous portons notre propre regard vers elles.

 

C'est très étrange : nous nous approchons et le regard se noie dans une sorte de buée ou derrière un voile que n'appellerait pas un désir de découverte. C'est très étrange, ce voile léger est comme une inquiétude, une attente, un rappel de quelque chose. Nous essayons de nous souvenir, et alors surgit à l'horizon de cette interrogation malhabile, comme un éclair de compréhension. Mais cet éclair provient de l'avenir, des peintures postérieures, plus récentes (1994), celles qui ont été faites en Provence. Les inquiétudes voilées du passé accèdent à leur propre éclat dans les peintures de l'avenir.

 

Oded Shamir dit qu'il est "expressionniste", mais je ne sais pas ce qu'est l'expressionnisme. Alors je vais essayer de décrire. Les peintures provençales laissent apparaître légèrement (quand le peintre est là pour nous l'expliquer) quelques structures figuratives (des maisons, des forêts,...) de couleurs claires, qui sont comme éclatées, pulvérisées par des rayures plus sombres, des stries entrecroisées ouvrant violemment l'espace dans l'infiniment grand et l'infiniment petit ; et ces stries sont les éclats de la lumière.

 

La lumière échange sa propre couleur (blanc, jaune,...) avec celle des peintures figuratives dont elle s'habille. Elle devient rouge et brune dans son propre mouvement violent et infini.

 

Les tableaux provençaux sont une explosion de la lumière qui semble détruire le paysage et lui prendre ses attributs figuratifs (ou plutôt en extraire la couleur à son profit), tandis que les éléments du paysage se chargent de façon réservée, des couleurs anciennes de la lumière.

 

Réserve qui ressemble à celle de ces yeux de pauvreté des figures anciennes copiées aux Indes.

 

La personne peut être simple pauvre ou réservée. Peu importe. elle est fondamentalement traversée par la lumière. Mais il faut tout le temps d'élaboration de l'oeuvre d'Oded Shamir pour que cette violence puisse se dire dans la matière silencieuse de la peinture.

 

Peut-être cette lumière est-elle un éclatement de l'oeil ?

 

La sculpture d'Oded Shamir nous conduit vers ce questionnement. O. Shamir sculpte dans du marbre de Carrare, des foetus, des corps humains ou animaux, des organes du corps dont l'emmêlement des courbures dessine une approche très physiologique de la vie. Mais ces courbes sont creusées d'orifices très prononcés, très étudiés et larges, indiquant les voies de passage de la lumière et aussi les voies inouïes de la bénédiction hébraïque ACHER YATSAR ET HAADAM qui cite les trous et orifices par lesquels l'Adam peut se tenir debout devant le Trône de Gloire.

 

Ainsi les lignes éclatées et brisées de la lumière des tableaux provençaux rappellent la rondeur des yeux en attente des scènes de pauvreté ; et les orifices des sculptures arrondies nous enseignent la merveille de se tenir debout.

 

M.L.C.


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Mise à jour : 6 février 2005