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Juifs et Résistance
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Joseph Georges Cohen

Mon père...
Joseph-Georges COHEN (ZAL) (1910-1980)
D'une parole d'amour... à la naissance des archives

jgcIl est né à Paris, le 11 janvier 1910 et a grandi dans le quartier juif de la rue des Rosiers. Puis avec son père, sa mère et ses deux soeurs, Estelle et Renée, il partit en Palestine où il passa sa jeunesse. Un enfant, Michel, naquit à sa soeur Renée, qui devait devenir un grand soldat dans la Brigade juive de l'Armée britannique et qui par la suite fit toutes les guerres d'Israël. Mon père fut chassé par les Anglais parce qu' en relation avec la Hagganah, il transportait des armes, et il dut retourner en France.
Mon père était un grand musicien, ingénieur du son dans le cinéma pour la Maison Pathé. Il fut renvoyé à cause de sa "qualité d'israélite" au moment des lois iniques de Vichy. Son nom, me dit-il, fut même effacé des génériques des films.
Lorsqu'il fut démobilisé, privé d'emploi, il put ouvrir un commerce à Toulouse avec la famille de ma mère.Mes grands parents maternels étaient d'origine polonaise et leurs enfants, mes oncles et ma mère étaient nés aux Etats-Unis et France. Ils furent tous des combattants : militants de la LICA avant la guerre et résistants pendant la guerre. Joseph Cohen entra très tôt dans la Résistance : en 1941 il est membre du groupe "Le Parti de la République et de la France", en 1942 il devient secrétaire de l'Organisation Juive de Combat sous les ordres du capitaine Pierrot (Pierre Loeb) puis membre de l'Armée Secrète à Fleurance dans le Gers. Il accomplit plusieurs missions de parachutage et participa aux combats pour la Libération de Mazamet.

Installé à Toulouse avec l'exode depuis 1940, il était devenu commerçant et avait du renoncer à une belle carrière artistique. En procès avec la Maison Pathé, à la Libération, il ne put continuer cette lutte, car ma mère (ZAL) décéda très jeune. Plus tard, il se remaria et un frère nous naquit.
Toute sa vie il se consacra au judaïsme : tésorier et administrateur de la communauté, il fut également parmi les fondateurs de la loge du Bnéi Brith de Toulouse, membre du conseil d'administration de la Hévra Kadicha et représentant de l'Alliance Israélite.
Je reçois aujourd'hui le souvenir de ses paroles comme l'expression de la bonté alliée à la flamme du judaïsme et un amour inépuisable pour Israël. C'était au soir de sa vie, il me dit : "tu trouveras dans la cave de notre maison, un livre que mon père avait écrit en hébreu, le titre est peut-être : Aimons nous les uns les autres..."
Je n'ai jamais connu mon grand-père qui est décédé il y a très longtemps en terre d'Israël appelée alors Palestine. Je savais qu'il était venu de Russie, qu'il s'appelait Raphaël Pogorelski et qu'il avait fui par les toits pour ne pas faire le service militaire. Il était allé en Turquie et en Palestine où il avait connu et épousé ma grand-mère Berthe Ratzkovski venue là-bas avec son père Berl Ratzkovski, mon lointain aïeul qui avait quitté dans sa jeunesse la Lithuanie et qui, après un long périple en Europe, s'était installé France où il fut à Paris un bienfaiteur de la communauté juive comme l'atteste son nom cité dans des ouvrages anciens conservés à la Bibliothèque de l'Alliance Israélite Universelle. Après le décès de sa femme et lorsque ses sept filles furent mariées et installées, Berl Ratzkovski partit avec sa plus jeune fille. Il ne se rendit pas en terre d'Israël pour y mourir, mais bien au contraire il recontra un nouvel amour. Il se maria et eut encore un fils dont les descendants vivent aujourd'hui en Israël. Puis sa fille, Berthe Ratzkovski, rencontra Raphaël Pogorelski ; et mes grands parents vinrent en France où ils eurent trois enfants. C'est en France que mon grand père qui était "cohen" par lignée familiale, choisit de porter ce nom et abandonna son nom russe. Je savais aussi ou je croyais savoir (imagination qui marqua ma jeunesse ardente et militante) que mon grand-père avait connu Léon Trotsky, et qu'un jour lors d'un voyage à Paris, l'illustre révolutionnaire vint voir mon grand-père et tint mon père sur ses genoux.
Je ne connaissais pas mon grand-père, et la pensée de chercher un livre écrit par lui m'attirait et m'inspirait alors que je commençais juste ma carrière d'écrivain. Il y avait dans cette invitation beaucoup de douceur et comme de la miséricorde. Je savais que mon grand-père avait été un grand intellectuel, professeur d'hébreu et de mathématiques et qu'il avait enseigné dans des écoles de l'Alliance Israélite. Chercher son livre était un acte d'amour et d'obéissance ainsi que l'acceptation de ma filiation.
Lorsque mon père (ZAL) nous quitta, je descendis à la cave et cherchai très longtemps. Je n'ai pas trouvé le livre de mon grand-père, mais comme dans la fable, un autre trésor vint à mes mains : les archives de l'Organisation Juive de Combat. Je restai de longs jours et soirées (peut-être deux ou trois mois) à classer des centaines de documents : récits d'actions armées des maquis juifs, archives du journal Renaissance, fichiers de combattants juifs, fichiers de personnes secourues pendant la guerre et à la Libération, récipissés d'envois de colis à des personnes internées dans les camps du Sud de la France, récits de sauvetages, témoignages, etc.

Depuis ce temps, je travaille sur cette histoire, ayant reçu commme héritage,une mémoire à transmettre, poursuivant par un détour étrange, l'appel qui me fut confié au nom de mon grand-père : "Aimons-nous..."

Monique-Lise Cohen

 

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